Les 5 étapes majeures du voyage de Molière

 


1642 : la légende (?) inaugurante

Jean-Baptiste a 20 ans, il vient de terminer ses études et son père, tapissier de métier et à charge du titre de « valet de chambre de sa majesté », le soumet à une épreuve d'héritage : le remplacer au chevet du roi Louis XIII qui part guerroyer avec son ministre Richelieu contre l'Espagne, sur le front catalan. A Narbonne ville-frontière, Jean-Baptiste est témoin (et complice ?) du complot de Cinq-Mars qui sera arrêté à Montpellier et exécuté à Lyon. De retour vers Paris, le roi malade prend ses bains à la fontaine de Meynes, près du château de Tarascon où la troupe de Dufresne vient le distraire. Le jeune homme rencontre la comédienne Madeleine Béjart qui l'entraînera dans l'aventure théâtrale.


1646-1648 : de Guyenne en Cocagne

Après l'échec parisien de l'Illustre-Théâtre, les Béjart et Jean-Baptiste (qui s'est octroyé le nom de « Moliere ») rejoignent l'équipe de Dufresne au château de Cadillac (entre Bordeaux et Agen) où ils jouissent de la protection du duc d'Epernon, gouverneur de Guyenne, dont le père fonda le corps des mousquetaires. Ils s'y frottent aux cadets de Gasconha et y découvrent l'esperit mondin des artistes locaux. En déplacement à Toulouse puis Albi, ils reprennent langue avec « les rescapés de Montmorency » qu'ils ont rencontré chez les libertins de « Monsieur » (Gaston d'Orléans), frère du roi et maître-conspirateur. Le comte d'Aubijoux qui vient d'être nommé lieutenant général du Languedoc les invite à Graulhet dans son château de Crins. Dès lors, cette « créature de Monsieur » les attire dans le giron languedocien.


1649-1653 : les Frondes

La Fronde parlementaire qui a éclaté à Paris trouve en Languedoc un terreau fertile. Les Etats de la province lui redonnent les droits que Richelieu leur avait soustrait. En Guyenne, le duc d'Epernon est chassé du gouvernorat et la troupe de Dufresne se retrouvant sans protecteur se donne Molière comme directeur ; Madeleine et lui choisissent la protection (non réglementaire mais réelle) des Etats languedociens. Malgré la défaite de la Fronde parlementaire (1650) puis de la Fronde des princes à Paris (1651) et en province (1652-53), la troupe se maintient dans le giron des Etats du Languedoc (Pézenas – Carcassonne - Albi) déchiré par la guerre civile, les occupations militaires, la famine et la peste. Molière qui cherche encore sa voie entre la tragédie cornélienne (qui est celle de son parangon idéologique) et la comédie « latine » (qui est celle de sa propre nature) s'exerce de plus en plus aux raccommodages (emprunts, adaptations, remodelages) propres au génie scénique des repetassaires (carcassiers, canevassiers et rapiéceurs) de la farce. Outre le répertoire italien et espagnol, le répertoire local des fêtes-dieu (Aix) et de las Caritats (Béziers) s'y prêtent, ainsi que l'œuvre de certains « expatriés » comme Guérin de Bouscal (Réalmont).

1653-1656 : le Comédien de son Altesse le Prince

Compromis dans la Fronde de Paris puis de Bordeaux, le prince de Conti est répudié à Pézenas où il prend le relais de d'Aubijoux pour protéger la compagnie de Molière. Le mariage de Conti avec une nièce de Mazarin va redorer le blason du prince et relever celui de son comédien... qui devra néanmoins subir le prix de ce compromis. L'affaire Sarrazin par exemple. D'une main, le théâtre de prestige (les ballets-machine et les pièces académiques exigés par le protocole) et de l'autre un cheminement progressif et prudent vers la comédie « à la française » dans des intervalles qu'il se permet à Lyon, Grenoble, les tripots... 

En 1656, la mort du comte d'Aubijoux dans son château de Crins-Graulhet (après une condamnation à mort et une relaxe due à sa maladie) signe la fin d'une époque et l'arrivée de l'absolutisme.


1657 : le départ

Le prince de Conti a versé dans la troisième Fronde, la janséniste, celle du mea culpa et du reniement de son passé frondeur. Il rejette le théâtre et Molière est sa première victime. Aux derniers Etats du Languedoc à Béziers, le Dépit amoureux est créé et les dernières fêtes de las Caritats se déroulent. Le sud n'a plus de protecteur pour prendre sous son aile la troupe mais Molière est fin-prêt pour réussir son initiation. Après un séjour dans la ville de Corneille à Rouen, il transformera l'essai en osant être devant le roi ce qu'il a mis 12 ans à admettre de lui même : sa voie originale vers un certain théâtre. Génie, courage et compromis, réussite oblige ?

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